Pour quelqu’un qui se targue d’apprécier la comédie musicale, ne pas avoir vu les meilleures comédies musicales françaises commençait à devenir intenable. Ce scandale sans précédent est donc maintenant résolu. Je sais que beaucoup préfèrent les Parapluies, Palme d’or à Cannes en 1964. Mais j’avoue que j’aime tout autant les Demoiselles. Tous deux sont des chefs d’oeuvre, chacun dans leur genre. Les Parapluies est entièrement chanté, ou « en chanté » pour reprendre le terme inventé par Demy, et c’est un drame. Les Demoiselles est une pure comédie, aussi légère qu’une bulle de savon, et des les chansons sont entrecoupées de dialogues. Je crois que c’est aussi le film le plus homosexuel que j’ai vu depuis longtemps. Chaque élément de ce long-métrage est un monument de campitude, les robes, les couleurs, les répliques, les actrices (Deneuve et Dorléac), la musique de Michel Legrand, les marins (Jacques Perrin, plus tapette tu meurs, qui cherche la « femme idéale »-  mouahaha, ou le macho George Chakiris, vu aussi dans West Side Story). On y croise même un Gene Kelly vieillissant, mais encore capable de danser avec grâce.

Les Parapluies est une histoire triste. C’est le premier grand film de Deneuve qui y est éclatante de beauté.  Le budget est plus resseré, cela se voit. Aux dizaines de figurants et danseurs de Rochefort se substituent les sombres rues vides de Cherbourg. Et puis le thème des Parapluies est l’une des plus belles compositions de Michel Legrand. Il est étrange que si personne mis à part Ducastel et Martineau, avec leur Jeanne et le garçon formidable, n’ait repris le flambeau. Personne n’a sans doute osé se mesurer au tandem Demy/Legrand.