A la faveur d’un post Facebook de Charles Roncier, avec qui je l’ai cosigné, quelques mots à propos du Guide des jeunes homos, sorti en 2004, il y a… 15 ans.
C’est mon premier livre, le seul d’ailleurs que j’aie (co)signé, en dehors des deux tomes d’Une Histoire LGBT – l’actu vue par Yagg, que j’ai coordonné quelques années plus tard.

Nous étions en 2003. Je travaillais alors à Têtu. On m’avait conseillé de lire le Survival Guide du magazine américain XY, un ouvrage de conseils en direction des jeunes gays et lesbiennes. XY était un magazine pour jeunes gays très bien fichu et le Survival Guide fonctionnait en quelque sorte comme un hors-série. J’avais été marqué par le ton du livre. Alors qu’à l’époque — et c’est encore trop souvent le cas aujourd’hui — tout ce qui avait trait aux jeunes homos était empreint de victimisation et d’infantilisation (c’est dur d’être un jeune homosexuel, le coming-out, c’est douloureux, etc.), ce guide adoptait un point de vue radicalement différent: on y parlait aux jeunes sans condescendance, d’égal à égal, avec pour optique un seul objectif: l’empowerment.

L’idée initiale était de traduire le Survival Guide. Après discussion avec mes collègues de Têtu, j’ai assez rapidement compris que le contenu était un peu trop américain pour être pertinent aux yeux d’un public français.

Je me suis donc résolu à écrire ma propre version. Heureux hasard, c’est à ce moment-là qu’un éditeur de la collection Marabout chez Hachette m’a contacté. Il lisait ma chronique mensuelle consacrée aux jeunes homos dans Têtu, « 15-20 ans » et souhaitait éditer un guide de conseils — le guide qu’il aurait aimé lire étant plus jeune, disait-il. Nous nous sommes rencontrés dans les locaux du magazine, rue Campagne Première. Nous étions sur la même longueur d’ondes. Il n’y avait plus qu’à… Ne pouvant/voulant faire cela tout seul, j’ai demandé à mon ami Charles Roncier, qui écrivait également pour Têtu, et avec qui je militais au sein d’Act Up-Paris, de m’aider à le co-écrire.

Cela a pris six mois. Nous y avons passé de nombreuses soirées et tous nos week-ends pendant plusieurs semaines. Un travail passionnant, épuisant, ponctué de beaucoup d’éclats de rire. Pour quasiment des cacahuètes, mais le but n’était pas de devenir riche (heureusement).

Selon notre éditeur, le livre s’est écoulé à environ 5000 exemplaires. Plutôt un beau résultat vu le public restreint que nous visions.

Aujourd’hui, le livre fait un peu daté. Le mariage pour tous est passé par là. La visibilité LGBT n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était il y a 15 ans. Mais je trouve que le ton du livre et certaines pages restent très actuels.

Une note un peu triste pour finir: le Survival Guide était signé d’un couple, Benjie Nycum et Michael Glatze. J’avais pu échanger avec eux à l’occasion de leur projet Young Gay America qui les avait conduit sur les routes d’Amérique à la rencontre des jeunes LGBT. Ils en avaient fait un site et un magazine je crois. Et puis, un beau jour Michael a été victime de palpitations cardiaques. Il a pris peur (son père était mort d’une maladie du coeur) et en a bizarrement conclu qu’il ne pouvait plus être gay . Il est devenu ce qu’on appelle un ex-gay, très religieux et très homophobe. Le film I am Michael, avec James Franco et Zachary Quinto, raconte son histoire. Il existe également un court-métrage documentaire, Michael Lost and Found, où l’on peut voir Benjie lui rendre visite. Il vit maintenant dans l’Etat du Wyoming, où il est pasteur. Le même Etat où il y a plus de 20 ans, le jeune Matthew Shepard fut brutalement assassiné.