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Preuve que l'Internet n'est pas "juste pour le cul", voici en exclu sur ce blog la première interview de l'équipe d'Avenue Q, la comédie musicale de Jeff Marx, Robert Lopez et Jeff Whitty (Tony Award meilleur musical en 2004), en France. C'est l'adaptatrice du spectacle, ainsi que la future Kate Monster / Lucy LaGarce, Sauvane Delanoë, qui a gentiment répondu à mes questions. Je me ferai écho de la suite des événements ici même ou sur Regard en Coulisse. Vous pourrez les suivre vous-même en consultant régulièrement leur page MySpace. Et pour info, le site du musical sur Broadway.

D'où vient l'équipe d'Avenue Q en France ?
A spectacle particulier, équipe et troupe particulière. Avenue Q
mêlant humains et marionnettes, nous avons souhaité nous diriger vers
les interprètes qui à notre sens étaient les mieux placés pour d’une
part rester vocalement le plus proche possible de la version originale
et d’autre part tenir sur deux heures de spectacles des voix
“cartoonesques” crédibles, sans jamais perdre leur personnage (ce qui
est d’autant plus difficile que pour les interprètes qui ont des
marionnettes, chacun en gère minimum deux…). Il nous est apparu comme
une évidence que ces interprètes parfaits seraient ceux qui depuis des
années se sont aguerris dans le domaine du doublage. Donc, même si
leurs visages vous sont inconnus, leurs voix, elles, vous seront
forcément familières, pour les avoir entendues dans des séries et films
aussi variés que “Dawson”, les “Totally Spies”, “Les Super Nanas”,
“South Park”,  “le Muppet show” (avant Cauet…), “Sauvés par le Gong”,
“Les Experts”,etc.


Les interprètes sont :
Barbara Beretta Alexa Donda, Fily Keita, Jean Claude Donda, Hervé Rey, Thierry Wermuth et moi-même. La direction vocale est assurée par Claude Lombard, habituée des
séances de chant en doublage, et chanteuse de grand talent, ce qu’elle
prouve régulièrement, notamment auprès de Charles Aznavour depuis de
nombreuses années.

Comment vous est venue l'idée de l'adapter ?
À vrai dire, bien que je vive aujourd’hui d’adaptations
pour le doublage, et de rôles dans la même discipline, je baigne dans
la comédie musicale depuis que je suis née, puisque ma mère, Nadine
Delanoë, faisait partie en 1970 de la troupe de “Jesus Christ
Superstar” à Paris.


Toujours fascinée par ce mode d’expression, c’est après les
Rencontres d’Astaffort, organisées par Francis Cabrel (février 2000),
que j’ai décidé de me lancer dans l’écriture d’un premier spectacle. Il
s’agissait de “
Providence”,
un opéra rock qui s’est joué en mars 2003 au Trianon, dans une version
parlée/chantée, et qui a depuis été remanié pour devenir un spectacle
de plus de deux heures, intégralement chanté.


Dans cette démarche de création, je furète toujours sur Internet
(et quand je peux directement à Londres ou à New York) à la recherche
de ce qui se fait de nouveau et d’exaltant.


Je suis tombée, par hasard sur “
Avenue Q
il y a 3 ans. Le temps de commander le Broadway Cast Album, et de
retourner deux, trois fois sur leur site, en à peine une semaine, j’ai
décidé de partir à la recherche des droits… Ce ne fut pas chose
facile, puisqu’après être passée directement par le compositeur, puis
par l’agent des auteurs, puis par leur avocat, ce n’est qu’en janvier
de cette année que j’ai obtenu les droits du spectacle (avec ma société de production, Rue Rouge Productions, productrice de Providence, et de Misery au Théâtre de Nice), gérés par MTI shows, représentés en France par Suzanne Sarquier de l’agence Drama, qui a été d’une grande efficacité et qui a su convaincre les américains de nous faire confiance. L’idée d’adapter en elle-même, je crois que c’est d’avantage une évidence qu’une idée. C’était même surprenant que personne ne l’ait fait avant, non?  Comment passer à côté d’un spectacle aussi irrésistible qui trouvera c’est certain un vaste public à Paris, comme en Province?

La traduction pose-t-elle (ou a-t-elle posé) problème ?
Oui et non. Étant une habituée de l’adaptation dans le
domaine du doublage depuis 13 ans maintenant (Practice, Brooklyn South,
Washington Police, X-Files, Sex and The City, Caroline in the City, Les
Super Nanas), la recherche des équivalences est plus devenue un jeu
qu’une angoisse… Certaines chansons ont posé bien sûr des problèmes
inédits comme “mix tape”, mais dans l’ensemble il y a peu de références
américano-américaines incontournables, et le langage, même
irrévérencieux, est assez simple.  Après, restait à transcrire
l’humeur, l’humour, le rythme… J’espère avoir trouvé les mots
justes… La troupe sera mon premier juge lors de nos imminentes
lectures, où je souhaite laisser à chacun une certaine liberté quant au
style de son personnage, pour que tous soient à l’aise avec leurs mots,
mais au bout du compte seul le public pourra valider notre travail
lorsque nous arriverons sur scène. D’ailleurs il est probable que l’on
fonctionne un peu à l’anglaise et que les premières représentations
soient des “previews” qui servent à tester différentes options, de
texte, de rimes, de jeux de mots, et même de mise en scène afin de voir
à quoi le public est le plus sensible… Car après tout c’est du
spectacle vivant, et c’est le public qui le fait vivre!

Comment allez-vous adapter les références constantes à Sesame Street, qui parlent moins à un public français ?
Le fait est que le Sesame Street américain et notre Rue
Sésame sont assez différents. Surtout le Rue sésame actuel de la
5ème, qui est une production française d’après le concept original. Personnellement, j’étais toute petite à l’époque des vrais Rue
Sésame. Et à part Macaron (Cookie Monster), je n’ai pas beaucoup
de souvenirs…. Tiens, d’ailleurs voilà une référence qui saute.
Cookie Monster est devenu Trekkie Monster (qui est en plus une
référence à Star Trek, que même les américains ont arrêté de vouloir
souligner). Doit-on adapter le nom du personnage pour le
rapprocher de Macaron? Honnêtement, je ne pense pas, et ça n’a pas
été notre démarche… Cela dit, Trekkie est la source d’un autre
problème. Comme Macaron, il parle mal et fait des fautes. Or le
simple fait d’être un monstre ne justifie pas ces fautes, puisque Kate,
elle, parle correctement. Au delà du lourd problème de conscience que ça me pose, je suis obligée de respecter scrupuleusement le
script américain, et de lui faire faire des fautes.
Pour en revenir aux références constantes auxquelles vous faites
allusion, je crois qu’elle sont surtout visuelles. Le décor est
conçu comme celui d’une émission pour enfants, à 80% de l’échelle
humaine, et il y a aussi des animations (mais chez nous, elles
dépendront de la générosité des co-producteurs…). Donc l’univers
visuel doit rester similaire (bien que le décor et la mise en scène ne
fassent pas partie des droits acquis par la société. Ils seront
sensiblement différents), et les amateurs de Rue sésame, qui auront
autant grandi que moi ne seront pas déçus!

Avez-vous trouvé un théâtre pour l'accueillir ?
Non. Pour l’instant, le dossier est dans plusieurs
théâtres, mais nous attendons des accords. Il faut dire qu’il faut
un plateau suffisamment grand pour accueillir le décor, 7 acteurs et 6
musiciens, des coulisses assez larges pour dissimuler les 49
marionnettes du spectacle, et une capacité de salle assez grande pour
payer tout le monde…. Ça laisse peu de de théâtres possibles, mais
nous espérons très vite pouvoir en convaincre un. Ou plusieurs. Mais là on aurait vraiment du Q!

Photo, de gauche à droite : Barbara Beretta, Thierry Wermuth, Jean-Claude Donda, Sauvane Delanoë, et Alexa Donda.