Candide19
Créé en 1956 à Broadway, le Candide de Voltaire revu par Leonard Bernstein et quelques autres, était monté pour la première fois à Paris, avec une mise en scène de Robert Carsen. C’était un événement et la controverse a été au rendez-vous. Dans le Monde, Renaud Machart a immédiatement ouvert les hostilités en qualifiant la production de "sinistre" et en critiquant violemment la lourdeur de la mise en scène [lire l’article]. Tous les autres articles que j’ai lu sur le musical/opérette étaient en revanche plutôt favorables. Tout juste viens je de lire sur le blog de Pierre Assouline, que Stéphane Lissner, directeur de la Scala, a décidé de déprogrammer le spectacle après avoir assisté à une représentation parisienne, officiellement en raison de l’ajout de dialogues qui ne figurent pas dans la version originale (par ailleurs maintes fois remaniée). Sondheim, appelé à la rescousse lors de la création de l’oeuvre, avait eu ce jugement définitif "La musique est excellente, le livret est excellent, les lyrics sont excellents, mais aucun de ces éléments ne se marie avec les deux autres." Pour en revenir à la production parisienne de Candide, je dois avouer que je partage assez l’avis de Renaud Machart, sans toutefois être aussi radical. Robert Carsen en fait effectivement des tonnes dans l’anti-américanisme et je me suis pas mal ennuyé dans le second acte. J’ai également trouvé l’orchestre un poil mou au début, mais tout est rentré dans l’ordre au fil du temps (pour autant que je puisse en juger). La fameuse scène de l’"entente cordiale", avec Bush, Blair, Poutine, Chirac et Berlusconi ne m’a pas fait rire (contrairement au reste de la salle), mais ne m’a pas choquée non plus. C’était surtout très laid. Côté positif, le cast est excellent. Anna Christy, notamment, est très drôle. Pour chipoter, on retiendra surtout son Glitter and be gay un peu brouillonne. Evidemment, quand le même mois sort une compil Nathalie Dessay avec une version incroyable du même air… Par ailleurs, tout n’était pas à jeter dans la mise en scène, très très loin s’en faut. Beaucoup d’idées brillantes. Beaucoup de choses impressionnantes aussi, comme ces immenses cadres en perspective présents tout au long de la pièce.
En conclusion, je ne reprendrais certainement pas à mon compte le "sinistre" de Renaud Machart. Je suis malgré tout heureux d’avoir découvert cette oeuvre sur scène et globalement, j’ai passé un bon moment. La musique de Bernstein, moins connue que celle de West Side Story, est magnifique et a dû donner pas mal de complexes à tous ceux qui ont voulu se lancer dans une aventure comme celle-ci. Et ça fait du bien de l’entendre intégralement dans un théâtre parisien. C’est vraiment, comme le proclame l’affiche, "Broadway à Paris".