Mon ami pointilliste m’avait prévenu : la version cinéma de la comédie musicale Gypsy n’est pas très bonne. La mise en scène est ultra-pépère. Aucune imagination, rien que du déjà-vu mille fois dans mille autre films. Une erreur impardonnable lorsque l’on a pour sujet l’une des plus grandes comédies musicales du répertoire américain. Autre erreur impardonnable : les actrices ne savent pas chanter. Comme souvent, l’actrice qui avait créé le rôle sur Broadway a été évincée au profit d’une actrice plus habituée aux studios mais moins bonne en chant. Dans ce cas précis, c’est l’actrice Rosalind Russell (formidable dans The Women de Cukor) qui a damé le pion à Ethel Merman. Je ne comprenais pas bien pourquoi la seconde avait déclaré que la place de la première était « dans un chenil » ; après avoir entendu Russell chanter, je comprends mieux. Une horreur. Par bonheur – et par nécessité, celle qui incarne Rose est doublée par une « vraie » chanteuse dans les moments les plus durs. Dès lors que la voix doublée colle étonnament bien avec la voix naturelle de l’actrice, pourquoi ne pas l’avoir doublée entièrement ? Car Rosalind Russell pendant la première minute de Rose’s Turn, c’est insupportable. Natalie Wood, qui incarne Louise, la fille de Rose est absolument inexistante. C’est normal, c’est la principale caractéristique du personnage qu’elle incarne. Le problème, c’est que même lorsqu’elle devient Gypsy Rose Lee, censée être flamboyante, on n’y croit pas une seconde. Et par gentillesse, je ne parlerai pas de ses parties chantées. Bref, ce n’est pas que le film soit si mauvais que cela. En fait, c’est un film moyen. Mais lorsqu’on doit adapter un show écrit par Stephen Sondheim (paroles), Jules Styne (musique, Arthur Laurents (livret) et Jerome Robbins (choréographie et direction), on ne peut pas se contenter de « moyen ». Je n’irai pas toutefois jusqu’à déconseiller le film car il reste utile pour bien comprendre l’histoire de Gypsy (les CDs n’offrent que peu de passages parlés). Mais il ne faut pas en attendre plus.