C’est une version exceptionnelle de Company qui vient de s’ouvrir à Londres dans le West End. Cette comédie musicale de George Furth (livret) et Stephen Sondheim (lyrics et musique) s’est offerte un petit coup de jeune grâce à la géniale metteuse en scène britannique Marianne Elliott. Cette dernière, auréolée du succès d’Angels in America à Broadway, où elle a tenu le même rôle, a tenté un pari audacieux: changer le genre du personnage principal de l’œuvre. Bobby devient une femme et se se nomme désormais Bobbie. George Furth est décédé, mais Stephen Sondheim a assisté Marianne Elliott tout au long du processus de re-création. Pour Sondheim et Elliott, ce changement majeur devait être tout sauf un gadget: plusieurs chansons et plusieurs personnages ont donc été retravaillés.

L’histoire reste la même. Les ami.e.s de Bobbie (interprétée par la brillante Rosalie Craig) lui organisent un anniversaire surprise pour ses 35 ans. Eux sont en couple, elle est célibataire. Dans une série de saynètes qui la mettent en scène avec chacun des couples, Bobbie réfléchit à sa vie, à la vie amoureuse, à l’engagement… Dans la version de Marianne Elliott, l’un des couples est devenu un couple gay (celui de l’incroyable scène de Not getting married today, sans doute le moment le plus dingue de la comédie musicale) ; dans un autre la dynamique homme/femme a été inversée (l’homme est devenu un peu prude, sa femme est la business woman du couple).

Patti LuPone interprète Joanne

L’autre intérêt de cette version londonienne est indubitablement la présence de Patti LuPone dans le rôle de Joanne. Connue pour sa grande gueule et sa voix puissante, Patti est l’une des plus grandes stars vivantes de Broadway: elle y a créé le rôle d’Evita, et elle a brillé dans de nombreux classiques du genre comme Anything Goes, Sweeney Todd ou Gipsy. Elle y interprète l’une des chansons phare de Company: The Ladies who lunch, qu’elle avait déjà interprété brillamment lors du concert des 80 ans de Sondheim, devant l’interprète originale, la légendaire et regrettée Elaine Stritch.

Pour avoir une idée de la personnalité de Patti LuPone, lisez cette interview géniale parue dans le Guardian.

Sur les réseaux sociaux, nombre d’admirateurs de Sondheim estiment que la version « féminine » de Company ajoute une nouvelle dimension à l’œuvre. « Cela fonctionne mieux comme ça! », se serait exclamé le compositeur — que l’on surnomme sobrement « Dieu » à Broadway — en voyant les premiers essais. Pour autant que l’on puisse en juger, cette affirmation est rigoureusement exacte.

Photos: Brinkhoff/Moegenburg