Facebook me rappelle ce matin qu’il y a 15 ans, le 3 novembre 2008, nous lancions Yagg, le premier média en ligne LGBT en France. Nous, c’était Yannick Barbe, Christophe Martet, Judith Silberfeld et moi (Bénédicte Mathieu, la femme de Judith, n’est pas « officiellement » une fondatrice, mais elle est en quelque sorte devenue la cinquième Beatles avec le temps, grâce à son soutien indéfectible et précieux).

C’était un moment d’espoir, la presse en ligne prenait son envol et il y avait tout à créer, Barack Obama s’apprêtait à être élu pour son premier mandat. Nous apprenions à créer une entreprise, à la gérer, à aller chercher des investisseurs pour pouvoir réaliser notre vision. Après plusieurs années à Têtu, nous voulions créer un média plus proche des gens, qui ressemble davantage à la communauté. Mixte, engagé, sérieux mais qui n’a pas peur de la légèreté, utile, qui ne prend personne de haut. Modestement, je crois que nous y sommes un peu parvenus. En 8 ans d’existence, Yagg ça aura été d’innombrables rencontres, des milliers d’articles, beaucoup de hauts, pas mal de bas. Je me souviens avoir détesté ces moments où nous devions faire appel à la générosité des lecteurs pour pouvoir continuer notre activité. Et je me souviens avoir été ému quasi aux larmes par les nombreux messages de soutien que nous recevions ensuite. J’aurais aimé me rappeler de chaque personne qui nous a soutenu, mais c’est impossible il y en avait trop. Aujourd’hui encore, je suis agacé de savoir que je rencontre peut-être quelqu’un qui a été présent pour Yagg à l’époque sans le savoir et sans pouvoir le ou la remercier.

Quinze ans plus tard, j’entends parfois parler de Yagg comme j’entendais parler d’Ex aequo quand j’ai commencé ma vie professionnelle. Une référence, mais qui devient chaque jour un peu plus lointaine, un peu plus floue. Peu à peu, on devient le passé. Et c’est bien.

Il y a quelques années, les archives ont été rachetées par Komitid.fr, où elles dorment. Lorsque Komitid s’arrêtera à son tour, que deviendront-elles? Elles seront sans doute stockées dans un coin quelque part. Est-ce que quelqu’un s’en souciera de toute façon? Pourtant, les archives numériques de Têtu de cette époque-là ayant disparu, les articles de Yagg représentent une trace non-négligeable de l’Histoire LGBT. Il y a bien eu l’édition de deux livres, pour tenter de sauvegarder cette mémoire (Une histoire LGBT, l’actu vue par Yagg), mais la maison d’édition a coulé, et je n’ai même pas gardé le pdf des textes… Avec le projet du Centre d’archives LGBT de Paris, j’ai pris conscience que nous aurions pu faire un peu plus attention à mieux archiver ou documenter ce que nous faisions. Avec Christophe tout à l’heure, nous nous disions que nous ferions peut-être quelque chose sur Yagg une fois qu’il serait à la retraite. Ce serait chouette.

Photo: Sébastien Dolidon