Cette production de A Little Night Music était spéciale pour moi. A plusieurs titres:

  • C’est la première fois depuis quarante ans qu’une œuvre de Sondheim est présentée en France. Celles et ceux que je saoule avec lui depuis des années vont enfin pouvoir comprendre de quoi je parle (j’en connais déjà un qui fait moins le malin).
  • Ce n’est que la deuxième fois que j’assiste à une représentation d’un Sondheim (avec Assassins – j’ai vu Follies aussi, mais en version concert et West Side Story, mais ça ne compte pas vraiment), les autres œuvres ayant été vues en DVD ou uniquement écoutées.
  • La première avait lieu le jour de mes 30 ans.
  • Sondheim en personne était annoncé.

A Little Night Music met en scène les chassés-croisés amoureux de plusieurs couples dans la Suède du début du XXè siècle. Il y a un avocat vieillissant (incarné par Lambert Wilson), marié à une jeune femme de 18 ans ; son ancienne maîtresse, la comédienne, Désirée Armfeldt (Greta Scacchi) ; l’amant de celle-ci, ainsi que son épouse et la mère de Désirée, Madame Arfeldt, vieille courtisane, « qui en sait trop » (Leslie Caron).

J’ai assisté à deux représentations: la pré-générale (sans public) et la première. La seconde était heureusement la plus réussie, malgré le stress assez monumental que dégageaient certains comédiens, Lambert Wilson et Leslie Caron en tête (qui a oublié les paroles de sa chanson, et deux répliques). Comme toujours, Laurent de Paris Broadway, fait une critique très détaillée et fort juste, donc je vais plus insister ici sur mon ressenti.

C’est d’abord la qualité de l’écriture qui m’a frappée. Chaque mot, chaque note, chaque lyric semble avoir été pesé (ce qui est sûrement le cas). Le livret de Hugh Wheeler remplit parfaitement sa mission de comédie. Les répliques et les traits d’esprits fusent (les lyrics ne sont pas en reste, à l’image de Now ou du très drôle You must meet my wife). Je connaissais déjà la musique, bien sûr, mais à l’entendre jouée ainsi, en situation, par l’Orchestre de Radio France, c’était presque comme si je l’entendais la première fois. Les cordes qui reprennent le thème de Send in the clowns à la toute fin du deuxième acte me font toujours le même effet et les élégantes Night Waltz (The sun won’t set et The sun sits low) me trottent toujours dans la tête, deux jours après la représentation.

Contrairement à Laurent, j’ai trouvé Lambert Wilson tout à fait à sa place, peut-être pas toujours au top côté chant, mais assez juste côté comédie. Greta Scacchi se révèle être une excellente comédienne et, en effet, elle gère plutôt bien ses limitations vocales (elle n’avait jamais chanté auparavant). Son Send in the clowns rappelle d’ailleurs beaucoup l’original, de Glynis Johns. L’arrivée dansée de Leslie Caron est très émouvante. Dommage qu’ il lui manque un peu de l’autorité et de l’ironie que l’on imagine être celles d’une ancienne courtisane à qui le roi des belges offrit un jour un duché. Le reste du cast est uniformément brillant et sert à merveille la partition.

Stephen Sondheim, que mon collègue Christophe et moi avons très légèrement stalké lors de l’entracte, est venu saluer à la fin (photo ci-dessous, avec le pantalon beige –  et oui, nous étions loin, avec un petit appareil!). Selon l’équipe du Châtelet, il s’est dit très heureux de cette production, qu’il a trouvé très belle et très émouvante.

Un Sondheim, en présence de Sondheim, au Châtelet: c’est certain, je ne pouvais pas mieux débuter ma quatrième décennie.